Genève lutte contre l’ubérisation

Sep 28, 2021

En décembre dernier, les autorités genevoises ont contraint les plateformes de transport de personnes et de livraison ­– telles qu’Uber, Smood et Cie – à engager les « fausses indépendantes et faux indépendants » qui utilisent leurs services. Les entreprises concernées déjouent pourtant les décisions de justice. Les syndicats retroussent leurs manches, tout en élevant le débat au niveau national : jusqu’où ces entreprises vont-elles redéfinir les règles qui régissent les relations de travail ?


Texte : Muriel Raemy, paru dans moneta 3/2021

«Je suis fatigué.» Rencontré pour cet article le temps d’une course dans les rues de Genève, un conducteur confiait qu’il était en attente. «Rien n’a encore changé, je n’ai toujours pas de contrat. Les 25 pour cent retenus par Uber, c’est beaucoup trop, je travaille à perte. Mais qu’est-ce que je peux faire?» Attendre, en effet, une décision du Tribunal administratif fédéral (TAF), qui devrait trancher cette année.
Bref rappel des faits en deux temps, qui concernent d’abord les services de livraison – coursières et coursiers à vélo ou en voiture, – puis les transports de personnes tels que les taxis: en juin 2019, les autorités du canton du bout du lac somment en effet Uber Eats et ses concurrentes, de «respecter la loi» en salariant les livreuses et livreurs indépendant-e-s. Uber Eats fait recours, tandis que la concurrence s’y conforme. Uber Eats perd une manche auprès de la justice genevoise et remonte jusqu’au TAF. En décembre de la même année, le canton menace et force cette fois-ci Uber à reconnaître le statut d’employé-e-s aux chauffeuses et chauffeurs inscrits sur sa plateforme. Là aussi, la société étasunienne s’oppose.

Les coûts à la charge des travailleurs et travailleuses

La question du statut des chauffeuses et chauffeurs ainsi que des livreuses et livreurs occupe les syndicats depuis les débuts de la multinationale, à San Francisco, en 2009. Indépendant-e-s? Salarié-e-s? «Clairement salarié-e-s! Leur statut est reconnu de longue date dans notre législation!», répond sans hésiter Umberto Bandiera, responsable jusqu’à dernièrement du secteur des transports pour Unia Genève. «Mais ces plateformes retiennent un énorme pourcentage du prix des courses ou des livraisons. Tous les coûts liés à l’entretien du véhicule ou des vélos ainsi que les assurances sociales et autres taxes sont à la charge des travailleuses et des travailleurs. Il faut les protéger et réglementer ce genre de sociétés: il y a urgence!» Le syndicaliste s’est emparé du dossier dès qu’Uber s’est lancé dans le marché du transport de personnes dans la ville du bout du lac, en 2014 (à Zurich en 2013, à Bâle dès 2014 et à Lausanne en 2015). 

Sources

geneve.unia.ch

sit-syndicat.ch

Office fédéral de la statistique: enquête sur les plateformes de services numériques